Je Suis un Lanceurr d’Alertes
Vous aussi Devriez en Être Un!
by Emmanuel Tchividjian
N

ous passons tous au travers de, probablement, la plus grande crise personnelle et globale de notre vie. Dans de tels moments, il nous est donné par l’isolement imposé un temps précieux, pour méditer sur ce qui compte vraiment dans nos vies et dans celles des autres. C’est aussi le bon moment de passer en revue nos valeurs fondamentales.

Il est clair, que dans la confusion qui accompagne toutes crise majeure, que la valeur de la vérité et le courage de la faire connaitre sont critiques et peuvent sauver des vies humaines.

Le Docteur Chinois, Li Wenliang, ophtalmologue de 33 ans qui a alerté ses collègues et le monde à travers les réseaux sociaux du Coronavirus et de ses risques de contagion pour la santé publique est une très bel exemple de ce courage. Li a été accusé d’avoir fait de fausses déclarations et d’avoir agi illégalement dans le but de troubler l’ordre sociale. Il a été arrête puis relâché par les autorités chinoises qui ont finalement admis qu’il n’aurait pas dû être censuré. Lui-même a tristement contracté la maladie et en est mort. Peu de temps avant son décès il a déclaré. « Il m’est de peu d’importance que je sois disculpé ou pas. Ce qui est important c’est que chacun connaisse la vérité. Il est, pour des millions de personnes, un héros, le visage et la conscience de ce fléau.

Les lanceurs d’alertes sont souvent des héros qui risquent des représailles allant même jusqu’à des menaces de mort.

Bien qu’actuellement la loi pourvoit une protection pour les lanceurs d’alertes, elle est souvent ignorée par de subtils moyens. Ils ont souvent à faire face à des représailles et il leur est difficile de prouver qu’elles sont dues au fait qu’ils aient sonné l’alarme. De plus ils se sentent très souvent mal-à-l’aise de se trouver dans un environnement où ils sont perçus comme des rapporteurs ou pire, des traitres.

Leurs détracteurs argumentent qu’ils sont motivés par les compensations financières prévues par la loi. Cette supposition est erronée. En fait, très peu de dénonciateurs ont bénéficié financièrement ou autrement de leurs actions. Jean Lehane, psychanalyste et lui-même un dénonciateur, dans un article intitulé « Qu’advient-il des lanceurs d’alertes et pourquoi » cite une étude de 233 de ceux-ci indique que 90% ont perdu leurs emplois, ou ont été rétrogradés, 25% ont été poursuivis en justice, 25% ont eu des problèmes d’alcool, 15% ont divorcé, 10% ont tentés le suicide et 8% ont fait faillite. Les lanceur d’alertes célèbres, Sharon Watkins, d’Enron, Colleen Rowley du FBI et Cynthia Cooper de WorldCom ont toutes les trois perdu leurs emplois.

L’un des plus controversé des lanceurs d’alertes est certainement Edward Snowden, qui a copié et diffusé illégalement des informations classées confidentielles sur un programme de surveillance de citoyens américains. Ce programme avait été autorisé par le Congrès Américain. Il est actuellement un fugitif de la justice américaine et réside à Moscou. Certains le considèrent comme un héros de la démocratie pour avoir rendu public un programme secret de surveillance que la plupart des américains opposeraient. D’autres le considèrent comme un traître pour avoir violé la loi mettant en danger la sécurité nationale et peut-être même la vie de concitoyens.

Dire la vérité a ceux qui détiennent du pouvoir demande un énorme courage.

Un exemple d’un tel courage est Rachel Denhollander, une ancienne gymnaste. C’est une histoire épouvantable, à vous briser le cœur. Elle raconte dans son livre « Quelle est la Valeur d’une Jeune Fille?» (What is a Girl Worth?) Alors qu’elle n’avait que 15 ans, elle a subi des viols répétés par son médecin soignant, le Dr. Nassar, spécialiste de médecine de sport en qui elle avait une entière confiance. Cet homme, était très respecté dans son milieu et soutenu par deux grandes institutions, l’université de Michigan ainsi que par l’association américaine de gymnastique. Au prix d’énormes sacrifices personnels elle a eu le courage de le dénoncer aux autorités. En rendant ses crimes publics, elle a encouragé plus de 250 autres jeunes femmes qui avaient subi le même sort, à témoigner contre lui. Il a été arrêté, jugé et condamné à la prison à vie.

Historiquement parlant, il est possible que le premier lanceur d’alertes dans l’histoire de France ait été l’officier Marie-Georges Picquart (1854-1924) comme l’a suggéré Bernard Henry Levy dans son compte rendu du film « J’accuse » qui traite de l’affaire Dreyfuss. Cette affaire, avait en son temps divisé le pays tout entier. Le lieutenant-colonel Picquart, alors à la tête du département militaire de renseignements, découvrit que le document accusant le capitaine Dreyfus d’espionnage et de traitrise était un faux. Des généraux haut-placés dans l’armée Française l’on mit en garde de ne pas continuer son enquête. Ils tentaient de supprimer la preuve de l’innocence de Dreyfus et d’étouffer le scandale. Il refusa et poursuivit son enquête au nom de la vérité et de la justice. Il paya très cher son action. Il fut lui-même accusé de traitrise, arrêté et devait passer en Cour Martial. La vérité triompha finalement lorsque la Cour D’Appel en 1906 exonéra le Capitaine Dreyfus et absout le Colonel Picquart de toutes accusations.

L’éthique se rapporte essentiellement aux valeurs. Quelles sont les valeurs morales en cause dans le problème de la dénonciation? Comment résoudre le conflit entre d’une part : la justice et l’équité et, d’autre part, la loyauté? Steven Mintz, spécialiste de l’éthique, écrit dans son article « La dénonciation est-elle une pratique éthique? » Il écrit que « la loyauté ne devrait jamais être placée au-dessus de l’obligation morale d’agir de manière responsable. Il ajoute qu’une personne responsable dénonce lorsqu’elle croit qu’il y aura plus de mal que de bien si elle reste silencieuse.

Ethics is essentially about values. What are the values at play in the issue of whistleblowing? How do we resolve the conflict between the moral value of both fairness – justice and loyalty?

Je suis particulièrement sensible aux conséquences parfois très graves de garder le silence lorsque le mal est perpétré. Il y a plusieurs années j’ai découvert à mon grand étonnement et profonde tristesse le silence de l’Eglise pendant la « Shoah » (l’Holocauste.) A travers l’histoire, très peu de chrétiens se sont opposés à l’antisémitisme qui s’est traduit par des persécutions et des génocides. C’est la raison pour laquelle je me suis impliqué personnellement dans la recherche d’une solution au scandale des fonds juifs en déshérences. Pendant presque 50 ans, les banques suisses avaient retenu les fonds juifs déposés en Suisse juste avant la Seconde Guerre mondiale. Mon but, évidemment était que ces fonds soient rendus à leurs propriétaires ou à leurs descendants. C’était pour moi, une occasion unique de « faire quelques choses » au lieu de seulement « dire quelques choses. » C’est ainsi, par la suite que j’ai joint la firme de relations publiques, Ruder Finn, qui à l’époque représentait le gouvernement Suisse dans cette affaire. Le gouvernement Suisse s’était engagé à résoudre ce problème.

Je trouve que le silence, lorsqu’il s’agit d’abus, et particulièrement d’abus sexuels d’enfants est troublant et inexcusable. Je suis activement impliqué dans une association à but non-lucratif nommé, GRACE qui a pour objectif, la prévenance d’abus d’enfants dans les milieux d’églises et d’autres institutions religieuses. Combien d’enfants auraient été épargnés si on les avait écouté, cru et agit en conséquence?

Quelles sont les questions que nous devrions nous poser avant de prendre la décision de dénoncer? J’en cite quelques-unes :

1. Quelle sont mes véritables motivations et intentions?

2. Ai-je assez d’informations pour être crédible?

3. Est-ce que ma dénonciation sera efficace, fera-t-elle une différence?

4. Suis-je prêt à payer le prix de mon action?

5. Pourrais-je vivre avec moi-même, si je ne le fais pas, autrement dit, ai-je vraiment le choix?

Lancer l’alarme, (dénoncer,) est une obligation morale pour la défense de la vérité et de la justice en exposant le mal.

Il est vrai que les crises ne forment pas le caractère mais plutôt les révèlent. Dans ce temps propice à l’introspection, il serait sage de penser à notre propre caractère, et d’identifier les inconsistances entre nos idéaux et nos actions. En fin de comptes ce ne sont pas nos paroles qui importent mais plutôt notre action, qui parfois demande beaucoup de courage.

Ralph Nader a aussi dit une fois :

« Le courage moral est la plus haute expression de notre humanité. »

Portrait of Emmanuel Tchividjian
Emmanuel Tchividjian is the principal and owner of the Markus Gabriel Group, an ethics and communication consulting practice. Tchividjian was a senior vice president and chief ethics officer at Ruder Finn from 1997 to 2017. When he first joined the firm, he worked on the Government of Switzerland’s account on issues relating to World War II and the Holocaust. Prior to joining Ruder Finn, he worked for the Government of Switzerland in public speaking and organized special media events related to the scandal surrounding Swiss banks and dormant accounts belonging to Holocaust victims and heirs. Tchividjian has also served as the director of programs and member services of the New England-Israel Chamber of Commerce in Boston, Massachusetts. He is currently the ethics officer of the New York Chapter of the Public Relations Society of America (PRSA) and a former member of PRSA’s National Board of Ethics and Professional Standards (BEPS).

markusgabrielgroup.com

Emmanuel Tchividjian is the principal and owner of the Markus Gabriel Group, an ethics and communication consulting practice. Tchividjian was a senior vice president and chief ethics officer at Ruder Finn from 1997 to 2017. When he first joined the firm, he worked on the Government of Switzerland’s account on issues relating to World War II and the Holocaust. Prior to joining Ruder Finn, he worked for the Government of Switzerland in public speaking and organized special media events related to the scandal surrounding Swiss banks and dormant accounts belonging to Holocaust victims and heirs. Tchividjian has also served as the director of programs and member services of the New England-Israel Chamber of Commerce in Boston, Massachusetts. He is currently the ethics officer of the New York Chapter of the Public Relations Society of America (PRSA) and a former member of PRSA’s National Board of Ethics and Professional Standards (BEPS).

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